Si l’on disoit à ce petit nombre d’hommes qui possèdent tout, occupez l’Artiste: & payez-le bien ; car avec la moindre parcelle de ce même génie dont il anime le marbre ou la toile, il pourroit, s’il le vouloit, trouver des moyens sûrs de s’enrichir à vos dépens. Sans doute cette proposition une fois bien méditée, les rendrait moins rigoureux économes.
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Présume-t-on que des fortunes immenses se seraient paisiblement élevées sans la ressource qu'offrait au reste du peuple la culture des arts, ou qu'elles resteroient en paix si cette culture venait à ne plus rien produire ? Peut-être mes craintes sont exagérées ; mais pourtant ces révolutions imprévues, qui tant de fois ont renversé dans la poussière la postérité des riches, ont eu des causes plus méprisées : la paix intérieure des empires a cessé par-tout, & dans tous les temps, aussitôt que les arts ont cessé de fournir à l'existence de celui qui les cultivait.
Louis Carrogis de Carmontelle. Le Frondeur ou Dialogues sur le sallon, Par l'Auteur du Coup de patte et du Triumvirat, 1785.