Philippe Sollers est mort. Je lui suis redevable.
J’avais dix-sept ans au plus, j’avais envoyé un poème à la revue Tel Quel où Sollers publiait Barthes, et Foucault, et Boulez et les autres. Il m’avait répondu d’un mot aimable, il voulait savoir qui j’étais, ce que j’écrivais, etc. Mon poème était une lecture, hyper-formelle bien sûr, de la Vierge au Chancelier Rolin de Jan van Eyck au Louvre. Je lui ai dit que j’étais encore au lycée ; j’y ajoutais quelques vers de lycéen qui, eux au moins, étaient sensibles. Je n’ai jamais su s’il s’est froissé de m’avoir pris au sérieux, en tout cas je n’en ai plus entendu parler
Je n'ose pas envisager ce qui aurait pu se passer si je m'étais laissé aller à lui envoyer d'autres textes hyper-formalistes. Aurais-je fini, moi aussi, par devenir un petit nombriliste, une parodie d'intello ? « Il y a une marée dans les affaires des hommes », et surtout les hommes mariés. Le mieux, c’est quand on peut le faire, et qu’on ne le fait tout de même pas.
WOID XXIII-12B
6 mai 2023